Ne pensez-vous pas que c'est avant tout l'usage qui détermine le support ? Il ne me semble pas y avoir de support universel devant être considéré comme supérieur aux autres, mais juste des offres plus ou moins adaptées aux pratiques de chacun.
Pour celui qui a la possibilité de prendre des rendez-vous en tête à tête avec sa chaine hi-fi, le choix du "disque" (vinyle ou CD/SACD) me semble incontournable : présence d'un objet physique qui facilite inconsciemment l'appropriation du contenu musical, livret donc paroles immédiatement disponibles,
artwork inappréciable via un écran, qualité sonore...
En revanche, pour l'étudiant avec moins de 10m2 d'espace vital dans sa chambre de bonne, ou le cadre bouffé par son travail et vivant en couple (ne parlons même pas du moment où arrivent les gamins !), la question du réel intérêt du support physique se pose. Quand ses seuls contacts avec la musique ont lieu en caisse, dans les transports en commun, ou sur l'ordi du bureau, l'attrait pour le disque en prend un sérieux coup. De là à jeter sa collection, il y a cependant un pas que je ne franchirai pas. Si je peux adresser un message personnel à Chris, je dirais que c'est souvent au début de la vie professionnelle que cette question se pose de la manière la plus acérée (charges de travail conséquentes, déménagements fréquents, logement exigu, etc...) et il ne faudrait pas avoir à regretter plus tard les galettes qui ont nourrit sa jeunesse et fait son éducation musicale, et toutes celles qui ont simplement apporté du plaisir...
En ce qui me concerne, je suis encore un gros acheteur de disques, mais j'ai la chance de pouvoir les écouter dans de relatives bonnes conditions. Il me faut toutefois reconnaître que le fait d'avoir de moins en moins de place pour caser mes centaines de disques commence réellement à freiner mes achats. Puisque je ne revends rien (flemme) et que je ne connais pas grand monde intéressé par ce que je pourrais refiler gratos, la collection grossit, inexorablement...
En revanche, si mon budget "musique" reste relativement élevé (de moins en moins en metal mais c'est un autre débat), il ne me viendrait pas à l'idée de payer pour acheter de "l'immatériel". Soit j'aime suffisamment et j'achète le disque (qui présente toutes les qualités évoquées plus haut), soit je me contente de l'illégal. Actant ce constat, il m'est facile de comprendre la crise que traverse l'industrie musicale : il est légitime de se demander pourquoi payer pour avoir exactement la même chose que ce que l'on obtient gratuitement -voire moins bien puisque l'on trouve plus facilement des formats sans perte (FLAC ou autres) dans le circuit illégal ? Et si les passionnés se posent la question de la juste rétribution de l'artiste, ce n'est pas le cas du grand public.
Enfin, si cette crise a pu avoir un bienfait, cela aura bien été de faire baisser le prix des CDs ! Entre temps, les maisons de disques et les distributeurs auront bien tiré sur les mamelles de la vache à lait ! Petit rappel historique : les premiers CDs pointent leur face brillante et demandent d'aligner la monnaie (demande justifiée par la prétendue "qualité sonore" et la "longévité" de la galette, à l'époque un CD était vendu plus cher qu'un LP), puis le vinyle disparaît peu et à peu des rayons mais le prix du CD reste quasi-inchangé. Parallèlement, les médias se diversifient (merci la FM et l'apparition des "radios libres") et les supports promotionnels se multiplient ; les jeunes dépensent de plus en plus leur argent, c'est le jackpot pour l'industrie de la musique. Je me rappelle aussi de différences de prix substantielles. Exemple, je voulais acheter "Like Gods of the Sun" (MDB) au moment de sa sortie : 147FF (!!!) dans les rayons de la Fnac -même prix que le CD d'Emperor que j'avais également reluqué- quand il était vendu moins de 95FF avec les frais de port en VPC (quand même plus de 18€ actuels en
monnaie constante et à l'époque c'était vraiment pas cher!). Comme j'étais idiot et que je ne voulais pas attendre, j'ai acheté à la Fnac... mais la cassette qui était bien plus abordable... et qui ne me sert plus à rien aujourd'hui !...
"Les dieux n’étant plus et le Christ n’étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l’homme seul a été." G. Flaubert